L’assurance-vie, souvent perçue comme un placement sûr et avantageux, suscite aujourd’hui de nombreuses interrogations quant à sa transparence et à son rôle dans la lutte contre la fraude sociale.
Face à l’évolution des dispositifs de contrôle et aux nouvelles mesures envisagées par le gouvernement, ce produit d’épargne pourrait bien perdre son statut de refuge discret pour certains détenteurs.
Les enjeux sont considérables, tant pour les organismes sociaux que pour les épargnants, alors que la législation s’apprête à franchir un nouveau cap en 2025.
Les limites actuelles de la détection de la fraude via l’assurance-vie
À ce jour, les agents de la CPAM, de la CARSAT, de la CNAM et de la CNAV se heurtent à un obstacle majeur dans la lutte contre la fraude sociale, l’impossibilité d’accéder aux informations sur les contrats d’assurance-vie.
En effet, le fichier Ficoba, auquel ils ont accès, ne recense que les comptes bancaires, livrets d’épargne et coffres-forts, mais exclut les contrats d’assurance-vie, qui sont répertoriés dans un autre fichier, Ficovie, actuellement hors de leur portée.
Cette faille permet à certains bénéficiaires de dissimuler une partie de leur patrimoine, compliquant ainsi la détection et la récupération des sommes indûment perçues par les organismes sociaux.
Ficoba vs Ficovie : deux fichiers, deux usages
| Élément suivi | Ficoba | Ficovie |
|---|---|---|
| Comptes bancaires | ✅ | ❌ |
| Livrets d’épargne | ✅ | ❌ |
| Coffres-forts bancaire | ✅ | ❌ |
| Contrats d’assurance-vie | ❌ | ✅ |
| Accès actuel pour les organismes sociaux | ✅ | ❌ |
Assurance-vie : un refuge pour les patrimoines dissimulés
Concrètement, lorsqu’une fraude est suspectée, les agents peuvent saisir les avoirs présents sur les comptes courants ou livrets d’épargne identifiés via Ficoba.
En revanche, les sommes placées sur des contrats d’assurance-vie échappent à toute mesure de saisie, faute d’accès au fichier Ficovie. Cette opacité offre un terrain propice aux fraudeurs, qui peuvent ainsi soustraire des montants importants au regard des autorités.
Guillaume, 47 ans, agent de contrôle social
Par exemple, un bénéficiaire peut percevoir des aides sociales tout en détenant plusieurs centaines de milliers d’euros sur une assurance-vie, sans risque d’être inquiété. Cette faille structurelle alimente la fraude et freine l’efficacité des contrôles actuels.
Un projet de loi pour lever l’opacité sur l’assurance-vie
Le projet de loi en préparation prévoit d’ouvrir l’accès au fichier Ficovie aux agents des principaux organismes sociaux, tels que la CPAM, la CARSAT, la CNAM et la CNAV.
Cette mesure leur permettrait d’identifier les contrats d’assurance-vie détenus par les bénéficiaires et de croiser ces données avec les déclarations faites lors des demandes d’aides.
L’objectif affiché par le gouvernement est double : renforcer la détection des fraudes en rendant plus difficile la dissimulation de patrimoine, et faciliter le recouvrement des sommes indûment versées grâce à la possibilité de saisir les avoirs placés sur ces contrats. Cette réforme s’inscrit dans une volonté de transparence et d’équité dans l’accès aux prestations sociales.
Ce que change l’accès à Ficovie pour les inspecteurs
Une fois le projet de loi adopté, les contrôles évolueront ainsi :
- Identification automatique des contrats d’assurance-vie détenus par les allocataires
- Comparaison immédiate entre les déclarations et la réalité du patrimoine
- Possibilité de mise sous séquestre ou de saisie des sommes frauduleusement dissimulées
- Raccourcissement des délais d’enquête
Les impacts attendus de l’accès à Ficovie pour les organismes sociaux
L’ouverture de Ficovie aux organismes sociaux constituerait un tournant majeur dans la lutte contre la fraude. Les agents pourraient enfin repérer les contrats d’assurance-vie non déclarés et engager des procédures de saisie sur ces placements, au même titre que pour les comptes bancaires.
Cette avancée limiterait considérablement les possibilités de dissimulation de patrimoine, rendant les stratégies frauduleuses bien plus risquées. En facilitant l’identification et le recouvrement des créances sociales, la mesure renforcerait l’équité du système et permettrait de récupérer des millions d’euros indûment perçus chaque année.
Pour les fraudeurs, l’assurance-vie ne serait plus un refuge, mais un placement désormais sous surveillance.


